- MATÉRIAUX (SCIENCE DES)
- MATÉRIAUX (SCIENCE DES)Les matériaux sont des solides que l’homme élabore et utilise non seulement pour fabriquer ses maisons, ses vêtements, ses moyens de transport (automobiles, avions, bateaux, engins spatiaux), ses moyens de communication et d’information, mais aussi pour construire son équipement industriel et aménager son environnement (équipement collectif, routes, ponts, aménagements urbains).Traditionnellement, les matériaux ont été classés en métaux, céramiques, verres, textiles, polymères et matériaux composites, compte tenu à la fois de certaines propriétés caractéristiques, des méthodes d’obtention et de leur destination industrielle. Chacune de ces grandes divisions avait sa propre nomenclature, sa méthodologie, ses normes, de sorte que les comparaisons entre les divers matériaux étaient souvent difficiles. Mais une théorie unifiée de tous les matériaux s’est progressivement développée; elle est fondée sur leur structure moléculaire. Leurs propriétés macroscopiques, telles que la ductilité, la fragilité, les déformations plastiques, sont interprétées par les différents types de liaison métallique, ionique, covalente, etc., ou par les structures cristallines et par les mouvements de dislocation. Paradoxalement, alors que les progrès de notre civilisation sont en partie conditionnés par les matériaux dont elle dispose, la science des matériaux est toute récente.1. Techniques ancestrales, jeune scienceBien qu’un grand nombre de matériaux soit connu depuis fort longtemps, leur étude a débuté très tard, car l’homme a disposé rapidement d’une grande variété de substances pour tous ses besoins courants, sans avoir à entreprendre de recherches approfondies. Ainsi il n’a utilisé, au début, que la pierre, l’argile, les ciments et les matériaux biologiques naturels: bois, laine, fourrures, cuir, lin, etc.L’un des grands tournants a sans doute été le moment où l’homme s’est rendu compte qu’il pouvait modifier la nature même des matériaux: par exemple, changer l’argile malléable en une pierre dure, par une cuisson à haute température. Ainsi les céramiques ont été les premiers matériaux non organiques à être transformés sur le plan structural, et la plupart des propriétés de l’état solide (sauf les propriétés électriques et magnétiques) ont été exploitées par les premiers céramistes: plasticité, procédés de décoration liés à la vitrification (faïences bleues d’Égypte datant de 6 000 ans), variations de volume ou de tension superficielle, coloration liée au degré d’oxydation et aux défauts de structure, etc. Toutes ces découvertes relèvent plus de recherches esthétiques qu’utilitaires.Les métaux furent d’abord employés à l’état natif, sans aucune modification structurale. On a ainsi retrouvé, dans l’ancienne Perse, des bijoux de cuivre natif, découpé et martelé, vieux de dix mille ans. Puis le cuivre natif fut remplacé peu à peu, au Moyen-Orient, par du cuivre extrait par fusion de minerais, aux alentours de l’an 4000 avant J.-C. Le premier alliage de cuivre et d’étain, le bronze, date de l’an 3000 avant J.-C. Vers la même époque apparurent les méthodes de mise en forme des métaux précieux, tels que l’or et l’argent, et les bijoutiers d’Ur, en Mésopotamie, utilisaient la plupart des propriétés des métaux que l’on a récemment comprises. À l’âge du bronze succéda, pour des raisons économiques, l’âge du fer: les minerais de fer sont plus courants que les minerais de cuivre. Pourtant, le fer à ses débuts était plus fragile et moins dur que le bronze. L’acier et la fonte firent leur apparition en même temps que le fer, mais ce n’est qu’en 1774 qu’on reconnut le rôle du carbone dans leur élaboration, et la première fusion du fer pur ne fut opérée qu’au XIXe siècle.Cependant, les inventeurs de matériaux du Proche-Orient ont le mérite d’avoir trouvé presque tous les alliages que l’on peut produire à partir de la réduction de minerais naturels par le charbon de bois. Pendant des siècles, on s’est servi de ces matériaux pour fabriquer des outils, des armes, les machines du XIXe siècle, les instruments qui ont permis l’essor de la science moderne. Si la métallurgie s’est développée au cours des derniers siècles, c’est surtout pour accroître la production et la rentabilité des métaux et alliages connus. Mais le besoin de créer de nouveaux alliages est lié à des connaissances et à des nécessités nouvelles du début du XXe siècle.En ce qui concerne les matériaux autres que les métaux, leur fabrication artisanale ne contribuait pratiquement pas au développement de leur étude scientifique. Ainsi, la chimie analytique apparaît seulement au XVIIIe siècle, lorsque les Européens voulurent reproduire les céramiques orientales.Sur le plan structural, la science des matériaux est née seulement vers la fin du XIXe siècle, à la suite de la découverte de la microstructure des aciers par Henry Clifton Sorby en 1864. Elle s’est développée après la mise en évidence, en 1911, par William Henry Bragg, de la diffraction des rayons X par la matière, qui révèle l’architecture atomique des édifices cristallins. On a pris conscience ensuite du rôle des imperfections chimiques, électriques et mécaniques dans les cristaux. Les métaux n’ont plus été dès lors les seuls matériaux étudiés, et l’on a entrepris grâce aux rayons X des recherches sur les céramiques – qui allient la complexité cristalline des métaux et l’intérêt électrique des semiconducteurs – et sur les polymères synthétiques.On se rend compte maintenant que les propriétés de tous les matériaux résultent à la fois de l’arrangement des atomes qui les constituent, des imperfections qu’on y rencontre et des forces interatomiques. Toutes les propriétés macroscopiques peuvent être interprétées à partir des arrangements atomiques et des structures moléculaires caractérisées par leur type de liaison.2. ClassificationLes matériaux se divisent en deux classes, suivant qu’ils sont cristallins ou amorphes. Les matériaux cristallins comprennent les métaux, une grande partie des céramiques, une partie des polymères et la plupart des minéraux. Les atomes y sont disposés régulièrement suivant un réseau tridimensionnel: par exemple, dans un solide cubique à faces centrées (nickel, cuivre ou aluminium), les atomes occupent les sommets et le centre des faces d’un cube. Il existe quatorze types de réseaux distincts, appelés réseaux de Bravais, suivant lesquels s’ordonnent les atomes de tous les solides cristallins (cf. CRISTAUX Cristallographie).L’état amorphe est caractérisé, au contraire, par des atomes placés de façon plus irrégulière, dans lesquels on ne peut construire aucun réseau à grande distance. Sa structure, inaccessible par les rayons X ou par la diffraction électronique, est plus difficile à étudier. Les recherches concernant cette structure se sont développées de façon considérable, notamment à l’aide de la microscopie électronique. Les matériaux amorphes comprennent, en dehors des verres, de nombreux polymères de poids moléculaire élevé, quelques composés inorganiques et un petit nombre d’éléments chimiques.Cette première classification des matériaux, qui ne tient compte que de la géométrie suivant laquelle sont disposés les atomes, permet de comprendre une partie de leurs propriétés. Une autre façon de classer les matériaux consiste à examiner les mécanismes qui lient entre eux les atomes ou les molécules; on distingue cinq types principaux de liaison, schématisés sur la figure 1: liaison ionique ou hétéropolaire, liaison covalente ou homopolaire, liaison métallique, liaison moléculaire ou de Van der Waals, liaison hydrogène.Liaison ioniqueConsidérons des atomes tels que le sodium et le chlore, qui possèdent respectivement un et sept électrons sur leur couche externe dite de valence. Si l’on enlève un électron à l’atome de sodium, l’ion positif obtenu possède une configuration stable du point de vue chimique. De la même façon, si l’on ajoute un électron à l’atome de chlore, l’ion tend vers une configuration stable, en se chargeant négativement. Ces ions de charges opposées s’attirant, on dit qu’il s’agit d’une liaison ionique. Reposant sur une attraction entre particules chargées différemment, cette liaison n’est pas dirigée dans l’espace. En outre, comme les couches de valence des ions sont saturées, il n’existe pas d’électrons libres: les matériaux ioniques ne sont donc pas de bons conducteurs du courant ou de la chaleur.Liaison covalenteL’atome de carbone possède quatre électrons sur sa couche de valence. Lorsqu’il est cristallisé sous la forme de diamant, chaque atome est entouré de quatre proches voisins formant un tétraèdre dont il est le centre. Chaque atome met en commun un électron avec chacun de ses voisins, de sorte qu’il est entouré par huit électrons, dont quatre lui sont «prêtés». Ce type de liaison, appelé liaison covalente, entraîne un partage des électrons entre des paires d’atomes, les électrons de liaison se trouvant dans l’espace qui sépare les deux atomes. La liaison covalente est localisée et dirigée dans l’espace. En outre, comme dans le cas précédent, les matériaux covalents ne possèdent pas d’électrons libres: ils sont donc aussi mauvais conducteurs du courant et de la chaleur.Liaison métalliqueChaque atome de métal est entouré d’atomes semblables, chacun n’ayant qu’un petit nombre d’électrons sur sa couche de valence. Les nuages électroniques, qui entourent chaque noyau, s’interpénètrent, et les électrons externes sont partagés par tous les atomes, de sorte qu’on ne peut plus les associer à un seul. Ils forment un gaz électronique autour des atomes devenus des ions métalliques; ce gaz se déplace librement et lie les ions les uns aux autres, car l’attraction des électrons sur les ions l’emporte sur la répulsion des ions entre eux et des électrons entre eux. Comme la liaison ionique, la liaison métallique n’est pas dirigée. Elle est à la base des propriétés électriques, thermiques, optiques et mécaniques des métaux.Liaison moléculaireLa liaison moléculaire existe dans les gaz rares solidifiés. Ces gaz, inertes chimiquement, ne constituent pas de molécules à l’état gazeux, mais on peut les solidifier, ce qui montre qu’il existe alors une force d’attraction relativement faible entre leurs atomes. Cette force, dite de Van der Waals, s’explique à l’aide de la mécanique quantique. D’une façon simple, on peut imaginer que les centres des charges positives et des charges négatives des atomes ne coïncident pas tout à fait. Il se crée par conséquent des dipôles électriques, dans chaque atome, responsables des forces d’attraction électrostatiques entre atomes. La liaison moléculaire est par conséquent une liaison faible.Liaison hydrogèneL’atome d’hydrogène n’a qu’un électron, il peut donc former une liaison covalente avec un autre atome. Cependant, dans certaines conditions, un atome d’hydrogène peut être attiré assez fortement par deux atomes, formant ainsi ce que l’on appelle la liaison hydrogène. On pense qu’elle a un caractère ionique prononcé: l’atome d’hydrogène cède son électron à un autre atome et le proton nu forme la liaison.La liaison hydrogène est responsable de la réunion des molécules d’eau ou de glace. Elle intervient également fortement dans les matériaux organiques tels que polymères, bois, coton, ADN.Comportement comparé des matériauxSi l’on compare le comportement mécanique des matériaux, on remarque que les métaux sont ductiles, c’est-à-dire qu’on peut les déformer sans les rompre. Par contre, les verres ou les céramiques se cassent sans déformation: ils sont fragiles. Par ailleurs, les textiles et certains plastiques n’ont aucune rigidité. Des différences existent dans de nombreux autres domaines: les métaux conduisent l’électricité, les verres sont des isolants. Les verres sont transparents alors qu’une feuille mince de métal, d’un dix-millième de millimètre d’épaisseur, par exemple, est encore opaque. De façon plus générale, l’état amorphe est caractérisé par l’absence d’une température précise de solidification, il est généralement translucide et a un comportement mécanique spécial.Aussi les chercheurs et les ingénieurs veulent-ils connaître les différentes propriétés des matériaux – par exemple mécaniques, thermiques, optiques ou électriques –, afin de choisir en fonction de celles-ci le matériau qui convient le mieux à chaque usage particulier. Bien entendu, les impératifs d’ordre technique ne sont pas exclusifs, et, pour certaines applications, le choix sera guidé par des considérations économiques ou esthétiques. Une vue synthétique des principales propriétés n’était guère possible tant que chaque division de matériaux avait ses normes et sa méthodologie propres, et que les comparaisons étaient délicates à effectuer. Mais, à présent, pratiquement toutes les propriétés macroscopiques sont interprétées par les différents types de liaison, ainsi que par la structure cristalline et ses imperfections.3. Les métauxLes métaux sont opaques et brillants, plus lourds que la plupart des matériaux, rigides, tout en étant déformables plastiquement pour être mis en forme. Ils conduisent bien l’électricité et la chaleur. Toutes ces propriétés résultent à la fois de la liaison métallique et de l’état cristallin.Propriétés électriquesLe tableau 1 donne un aperçu des conductibilités électriques des matériaux. Il est frappant de constater une aussi grande variation de la résistivité d’un matériau à l’autre (la résistivité du polystyrène est 1023 fois celle du cuivre). De plus, pour un matériau donné, il existe une variation très importante de résistivité, en fonction de la température, de la composition et des imperfections.Le courant électrique peut être conduit dans un matériau soit par les électrons, soit par les ions. Mais, comme la taille des ions est incomparablement plus grande que celle des électrons, leur mobilité est beaucoup plus petite et, par conséquent, seuls sont de bons conducteurs les solides possédant des électrons libres de se déplacer.La mobilité des électrons dépend également de la structure cristalline: les électrons se déplacent mieux dans un réseau parfait. Lorsque l’on élève la température, l’agitation thermique et les défauts cristallins qui en résultent altèrent progressivement la perfection du réseau. De la même façon, des impuretés ou des défauts tels que des dislocations [cf. CRISTAUX] apportent des perturbations locales importantes dans la régularité du cristal. Par conséquent, la conductibilité d’un métal diminue lorsque l’on élève la température ou lorsqu’on lui incorpore des impuretés ou des défauts.Considérons, par comparaison, le cas de semiconducteurs tels que le germanium ou le silicium, éléments covalents qui possèdent, comme le diamant, quatre électrons de valence. Lorsqu’ils sont parfaitement purs, ces matériaux n’ont pas d’électrons libres à la température ambiante: ce sont des isolants. Mais si l’on dissout dans ces cristaux des traces (quelques parties par million) d’éléments pentavalents, comme le phosphore ou l’arsenic, quatre des électrons de ces derniers participent aux liaisons covalentes et le cinquième est à peu près libre de se déplacer. Lorsque l’on applique un champ électrique au semiconducteur, il apparaît par conséquent un courant, qui dépend de la concentration en impuretés pentavalentes. On dit que l’on a un semiconducteur extrinsèque du type n [cf. SEMICONDUCTEURS].Propriétés mécaniquesLes métaux sont constitués de nombreux cristaux orientés différemment les uns des autres, dont la taille varie de quelques micromètres à quelques centimètres suivant leur nature et leur passé métallurgique [cf. MÉTALLURGIE]. Ces cristaux sont séparés par des frontières, appelées joints de grains, et leur cohésion est assurée par les électrons libres. Ceux-ci constituent une sorte de ciment qui lie tous les ions métalliques, de façon suffisamment souple toutefois pour leur permettre un mouvement relatif. C’est pourquoi l’on peut souder ou allier divers métaux entre eux. C’est également la raison pour laquelle les métaux cristallisent en des structures compactes et sont ainsi plus denses que la plupart des matériaux. Enfin, ces structures expliquent, en partie, la ductilité des métaux.Lorsque l’on applique une contrainte à un métal, ses différents cristaux se déforment plastiquement par glissement des plans atomiques denses les uns sur les autres. Cette déformation se fait d’autant mieux que les directions des plans de glissement possibles, dans chaque cristal, sont plus nombreuses. Or les métaux cristallisent, à cause de leur liaison, suivant trois systèmes principaux [cf. CRISTAUX]: le système cubique à faces centrées (cuivre, argent, aluminium), le système cubique centré (fer, tungstène, molybdène) et le système hexagonal compact (zinc, magnésium, cobalt). Ces trois structures sont les plus denses des structures atomiques et elles possèdent de très nombreux éléments de symétrie. Par conséquent, il existe plusieurs directions de plans denses favorables au glissement, surtout dans les cristaux cubiques, qui ont la symétrie la plus élevée et qui sont donc les plus ductiles. Le système hexagonal, aux symétries plus réduites, est moins ductile.Les matériaux qui cristallisent dans les autres systèmes cristallins, de symétrie bien plus restreinte, sont beaucoup plus fragiles.La ductilité d’un métal est liée, en second lieu, à la façon dont s’opèrent ces glissements. Pour faire glisser un plan atomique sur son voisin, on peut en effet imaginer soit de le déplacer en bloc, soit de déplacer successivement chacune de ses rangées d’atomes. Le deuxième mécanisme, qui traduit la réalité, demande naturellement moins d’effort, mais ne peut se produire que par l’intermédiaire des défauts cristallins linéaires que sont les dislocations [cf. CRISTAUX]. Les plans denses glissent, grâce au mouvement de ces lignes de dislocations. La présence de ces défauts permet donc la déformation plastique des métaux et des matériaux en général. Leur mobilité conditionne la ductilité des métaux.Pour durcir un matériau cristallin, il suffit de s’opposer au mouvement des dislocations, en leur créant des obstacles. Pour cela, on peut soit réduire la taille des cristaux et augmenter par conséquent la densité des joints de grains sur lesquels viennent s’empiler les dislocations, soit introduire dans le matériau des éléments d’addition formant des amas ou des précipités qui s’opposent au passage des dislocations. L’écrouissage par laminage ou traction provoque un durcissement en multipliant le nombre de ces défauts qui, paradoxalement, se gênent mutuellement et s’immobilisent par des réactions de jonction.On peut encore augmenter la résistance d’un matériau en l’élaborant sans dislocation. C’est le cas des whiskers , monocristaux métalliques ou non, sans défauts linéaires. La contrainte nécessaire pour les déformer est proche de la contrainte théorique qui permet de cisailler en bloc tout un plan atomique par rapport à son voisin.Les dislocations existent dans de nombreux matériaux, mais leur comportement est autre que dans les métaux. Dans ces derniers, le déplacement des dislocations ne perturbe pas le nuage d’électrons de la liaison métallique. Par contre, dans des matériaux covalents tels que le diamant, leur mouvement doit distordre ou même rompre certaines liaisons, cette fois localisées, et devient donc très difficile. On comprend ainsi à la fois la dureté et la fragilité du diamant.La liaison métallique, avec son nuage électronique, explique également les propriétés thermiques et optiques des métaux. Les électrons libres peuvent emmagasiner de l’énergie thermique et la transporter. De même, ils peuvent absorber les photons lumineux et les réémettre dans tout l’espace. C’est pourquoi les métaux sont opaques et brillants.4. Les céramiquesLes applications des céramiques sont très variées en raison de leurs caractéristiques: dureté, rigidité, résistance à la chaleur et aux solvants chimiques, fragilité.En général, une céramique est composée d’un ou plusieurs métaux et d’un élément non métallique dont le plus courant est l’oxygène [cf. CÉRAMIQUES INDUSTRIELLES]. Les atomes d’oxygène, plus gros que les autres, constituent une charpente dans laquelle viennent s’insérer les atomes de métal (ou de silicium). Les liaisons mises en jeu sont surtout ioniques et en partie covalentes. Ces deux types de liaisons très fortes sont responsables de la stabilité et de la rigidité des céramiques: les atomes d’oxygène avec six électrons sur leur couche de valence empruntent deux électrons à leurs voisins métalliques, de sorte que tous les atomes sont fortement ionisés et s’attirent vivement. Par conséquent, l’empilement des atomes est encore compact et les matériaux de ce type résistent à la chaleur et aux contraintes. De plus, comme les céramiques sont généralement des oxydes, elles sont rarement sensibles aux réactifs chimiques (ce qui les fait utiliser en plomberie et comme ustensiles de ménage) et à l’oxydation à haute température (ce qui permet de les employer comme briques réfractaires de creuset).Les céramiques existent aussi bien à l’état cristallin (Al23 par exemple) qu’à l’état amorphe, et leurs propriétés proviennent autant de leur structure interne que de leur composition chimique. Ainsi, des corps à base de silice Si2, de compositions sensiblement identiques, ont des propriétés très différentes d’une structure à l’autre: quand les radicaux SiO2 se disposent suivant de longues chaînes, on a un matériau fibreux tel que l’amiante; s’ils s’empilent en strates, on obtient des matériaux comme le talc ou le mica; s’ils s’ordonnent en réseau tridimensionnel, on aboutit au quartz.Propriétés mécaniquesLes réseaux cristallins, en raison de leur symétrie peu élevée, ont un nombre insuffisant de systèmes de glissement pour pouvoir se déformer facilement à la température ordinaire. De plus, leurs structures sont souvent si complexes que le mouvement des dislocations est difficile. Comme les céramiques ne se déforment pas plastiquement à la température ambiante, elles sont très sensibles aux entailles dont elles ne peuvent freiner la propagation à la manière des métaux. De là encore leur fragilité et leur faible résistance à la traction, qui favorise l’ouverture et la propagation des fissures. Une précontrainte initiale du matériau lui confère une résistance accrue et permet de lutter contre cette trop grande fragilité. C’est le principe du béton précontraint.Une autre cause de la fragilité provient des joints de grains. Si deux cristaux adjacents sont cisaillés, des liaisons ioniques entre atomes voisins peuvent se rompre et des ions de même charge se rapprocher. Il s’ensuit une répulsion électrostatique et des contraintes locales suffisantes pour créer des fissures. Ces joints de grains peuvent en outre emmagasiner, au cours de l’élaboration, des micropores qui détériorent ensuite la résistance au fluage à chaud. Par conséquent, à l’inverse des métaux, il faut limiter le plus possible le nombre de cristaux dans une pièce en céramique.Autres propriétésLes céramiques sont des isolants électriques et thermiques, mais, à haute température, l’énergie thermique peut être suffisante pour rompre quelques-unes des liaisons ioniques ou covalentes et entraîner une certaine mobilité soit des électrons, soit des ions. Ainsi des céramiques peuvent, à haute température, conduire un courant faible, surtout par déplacement de leurs ions métalliques, plus petits que les ions oxygène.Sur le plan optique, l’absence d’électrons libres permet d’obtenir ces matériaux à l’état transparent ou translucide. Cependant, il faut au préalable supprimer, par des traitements thermiques appropriés, les micropores nombreux dans ces matériaux, qui diffusent la lumière et donnent généralement un aspect opaque.Certaines céramiques, comme les ferrites, allient d’excellentes propriétés magnétiques à une conductibilité électrique négligeable, ce qui en fait des matériaux de choix pour des installations électromagnétiques de haute fréquence. Les pertes d’énergie par courant de Foucault sont en effet très faibles dans de mauvais conducteurs.5. Les verresLes verres sont des céramiques amorphes. Ils en possèdent donc une bonne partie des propriétés. Du point de vue mécanique, comme il n’existe pas d’ordre à grande distance dans l’assemblage des atomes, les dislocations ne peuvent pas se propager, et toute déformation plastique est impossible à la température ambiante. Il en résulte une très grande fragilité aux chocs.Cependant, dans certaines conditions de température et de contrainte, le verre peut se déformer par un processus visqueux. Au fur et à mesure que la température s’élève, les chaînes d’atomes qui le constituent se désolidarisent, par rupture des liaisons les plus faibles, et ce matériau passe par un état pâteux avant de se liquéfier.Une autre caractéristique des verres est leur sensibilité aux chocs thermiques. Lorsqu’un matériau est chauffé ou refroidi rapidement, il s’établit des différences de température entre ses diverses parties, par exemple entre la surface et l’intérieur. Il en résulte des inégalités de dilatation ou de contraction qui provoquent des tensions internes conduisant à la rupture; c’est le cas de bon nombre de verres. Il existe deux sortes de matériaux qui échappent à cette destruction. Les uns possèdent une conductibilité thermique élevée qui assure rapidement l’homogénéisation de température: ce sont les métaux; les autres ne se dilatent pratiquement pas par chauffage: c’est le cas de la silice.On modifie avantageusement les propriétés des verres en provoquant la formation d’un squelette cristallin dans leur structure amorphe. Cette structure, partiellement cristalline, donne au matériau obtenu (le Pyroceram par exemple) des propriétés exceptionnelles: il peut être opaque, translucide ou transparent, aussi bon isolant que les meilleures céramiques, plus léger que l’aluminium, aussi dur que le silex ou l’acier; sa résistance mécanique ne diminue que vers 700 0C.La transparence des verres résulte à la fois de leur nature de céramique et de l’état amorphe. Les verres n’ont pas d’électrons libres qui absorbent ou émettent de l’énergie lumineuse; d’autre part, comme ils ne sont pas cristallins, ils ne possèdent pas de surfaces internes telles que des joints de grains ou des trous qui diffusent la lumière.6. Les polymèresLa nature fournit toute une série de polymères organiques, tels que le bois, les fourrures, le cuir, la laine, le lin, le coton, le caoutchouc, constitués à partir de protéines, de cellulose, d’amidon, de lignine. De très nombreux polymères sont maintenant synthétisés: fibres textiles, caoutchoucs, revêtements, adhésifs et, naturellement, toute la gamme des «plastiques». Les polymères synthétiques sont légers, très facilement mis en forme, résistants à l’humidité. Par contre, ils ne sont pas toujours rigides et ils supportent assez mal les hautes températures.Les polymères sont constitués de longues chaînes d’atomes tels que le carbone, l’azote, l’hydrogène et l’oxygène. Ces chaînes comprennent de plusieurs milliers à plusieurs centaines de milliers d’atomes, réunis bout à bout par des liaisons surtout covalentes.Les propriétés des polymères dépendent en grande partie de la façon dont ces chaînes sont assemblées: lorsque les macromolécules sont disposées en majorité suivant un réseau cristallin, le matériau est dur, rigide, il résiste assez bien à la chaleur et aux solvants; si l’état amorphe prédomine, la substance est plus molle, élastique et perméable aux fluides.Si les chaînes atomiques sont attachées entre elles par des forces de Van der Waals faibles, les polymères sont facilement déformés et se ramollissent avec la température, qui rompt ces liaisons. Lorsqu’elles sont accolées par des petites chaînes transversales à liaisons covalentes, ou par des liaisons hydrogène qui forment des ponts plus solides que les forces de Van der Waals, la déformation plastique est difficile et la résistance à la température est bonne (bois ou bakélite par exemple).Pour conférer des propriétés mécaniques satisfaisantes aux polymères, il faut par conséquent diminuer les mouvements relatifs des macromolécules. Il existe plusieurs procédés:– Tout d’abord, la cristallisation des polymères introduit une configuration régulière des chaînes, permet de multiplier les ponts entre elles et donc d’augmenter la résistance et la rigidité du matériau (exemple du Nylon).– La réticulation consiste à créer des chaînes annexes très courtes qui jouent le rôle de pont entre les macromolécules: le caoutchouc vulcanisé, où le soufre sert de jonction entre les chaînes, en offre un exemple. Si l’on augmente la densité de la réticulation, on peut passer d’un matériau élastique, tel que le caoutchouc, à un matériau très rigide, tel que l’ébonite.– Pour accroître la rigidité individuelle des chaînes, qui sont flexibles lorsqu’elles ne contiennent que des liaisons covalentes simples entre atomes, on remplace les atomes individuels par des radicaux plus complexes, unis par des doubles liaisons, qui résistent mieux aux mouvements de flexion ou de torsion.En combinant tous ces procédés, on est parvenu à obtenir des polymères qui ont des points de fusion de plusieurs centaines de degrés et des modules de rigidité supérieurs à 500 kg/mm2.À cause des liaisons mises en jeu dans les polymères (liaisons covalente, moléculaire ou hydrogène), il n’existe généralement pas dans ces matériaux de porteurs de courant ou de chaleur. Ce sont ainsi d’excellents isolants électriques et thermiques. On parvient cependant à élaborer des polymères conducteurs de l’électricité.7. Les matériaux compositesUn matériau composite est constitué de deux ou plusieurs matériaux différents et possède des propriétés mécaniques meilleures que celles de chacun de ses constituants. Alliant la légèreté à d’excellentes caractéristiques mécaniques, ce sont des produits d’élection de l’industrie aérospatiale.Comme les polymères, les matériaux composites modernes imitent la nature (le bois est un composite à base de lignine et de cellulose: les fibres de cellulose résistent aux tensions tout en étant flexibles; la lignine est le ciment qui agglomère ces fibres et assure leur rigidité; un autre exemple est celui des os, constitués de collagène qui protège l’apatite dure mais fragile).Pour élaborer des matériaux composites, on choisit des substances qui possèdent une grande rigidité ou une grande résistance par unité de poids pour allier force et légèreté. Le tableau 2 permet de comparer ces grandeurs. Les constituants à la fois les plus rigides et les plus légers se rencontrent dans les céramiques: verre siliceux, graphite, saphir, bore, Carborundum. Les métaux sont trop denses, les polymères ne sont pas assez rigides. En outre, la silice et le graphite ont l’avantage de résister à chaud et d’être abondants dans la nature.Cependant, les céramiques, on l’a vu, sont très sensibles aux fissures et aux entailles; c’est pourquoi elles sont incorporées dans les matériaux composites sous formes de fibres de faible diamètre, qui n’offrent jamais ainsi un trop long parcours aux fissures (cf. matériaux COMPOSITES À FIBRES). Ces fibres sont enrobées dans une matrice plastique et adhésive qui les scelle, empêche la propagation des fissures et répartit les contraintes dans le matériau (fig. 3).Pour résoudre un problème, l’ingénieur choisit davantage un matériau en fonction de ses propriétés que de sa composition. À l’heure actuelle, pour chaque application, il se trouve devant au moins deux ou trois matériaux différents, interchangeables. Naturellement, les aspects économiques et technologiques guident son choix; mais son attitude varie, également, suivant l’accent qu’il veut mettre sur telle ou telle propriété: par exemple, dans certains cas, des impératifs de sécurité l’emportent sur toute considération de prix ou de technologie. Il en résulte entre les différents matériaux une vive concurrence, qui entraîne un développement considérable de leur étude et de leurs possibilités d’utilisation. Des matériaux nouveaux apparaissent, qui se substituent aux matériaux traditionnels, parce qu’ils sont moins onéreux pour un même service rendu. Les matériaux traditionnels eux-mêmes rajeunissent. Par exemple, devant l’assaut des matières plastiques, le verre s’est allégé et est devenu moins fragile dans l’emballage des produits alimentaires.De nouvelles découvertes peuvent à tout instant rompre l’équilibre actuel du marché. Que l’on songe seulement à la révolution qui risque de s’opérer, dans le domaine de la construction automobile, lorsque l’on découvrira des polymères capables de conserver de très bonnes propriétés mécaniques jusqu’à 150 0C.D’autre part, l’amélioration de la connaissance des relations entre propriétés et structures microscopiques, qui permet d’élucider les mécanismes, rapproche les différents matériaux, leurs techniques de fabrication (exemple du papier et des tissus), leurs méthodes d’investigation et, par conséquent, les chercheurs et les ingénieurs qui s’y consacrent.
Encyclopédie Universelle. 2012.